Vapeur orientale à Paris

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Ouvert depuis 1989, le hammam Pacha, à Saint-Denis, est unique en France. Après vingt ans de succès, Georges Nataf et son fils, Charles, ont inauguré un deuxième établissement à Paris.

A deux pas de la gare Montparnasse, en plein cœur de la Rive gauche, le deuxième hammam Pacha, ouvert il y a un an, est un espace unique de 700 mètres carrés. Le bâtiment, qui abritait une ancienne école d’ingénieurs, répondait parfaitement aux exigences du projet, l’espace principal étant distribué sur un seul niveau, au rez-de-chaussée. « Nous avons tout abattu, explique Georges Nataf, propriétaire, de façon à créer trois grands espaces, dans le respect de la tradition du hammam oriental. »

Les travaux de gros œuvre, confiés à la société Mallet,  ont permis d’obtenir  une salle tiède de 200 mètres carrés avec bains à remous, sauna et douches, une salle de repos de 120 mètres carrés où l’on sert le thé et sept cabines de soins ouvertes tous les jours, avec deux nocturnes par semaine, jusqu’à 23 heures. La capacité d’accueil est de 160 personnes.

Georges Nataf a lui-même choisi les meubles et les objets artisanaux mis en valeur par le décor. Il s’est rendu une douzaine de fois au Maroc pour commander son mobilier : portes, fenêtres et meubles ont été réalisés au Maroc car « les prix y sont intéressants et le travail artisanal est exceptionnel ». L’objectif n’était pas de faire un hammam « épuré et minimaliste » qui suit la tendance actuelle, mais plutôt de rester dans un esprit oriental chaud et gai. En effet, le hammam Pacha renoue avec l’ambiance des bains orientaux : arcades, mosaïques, boiseries, tapis, coussins et, surtout, éclats de rires ! Georges Nataf s’est sans aucun doute inspiré de son enfance passée en Tunisie. C’est d’ailleurs à Nabeul qu’il a choisi la faïence qui orne les lieux : quatorze carreleurs ont dû couvrir 2 500 mètres carrés de murs et 700 mètres carrés de sol !

A l’entrée, le grand hall est organisé autour d’un joli comptoir coloré pour accueillir les clientes. Tout de suite à droite, se trouve la grande salle de restaurant aux jolies couleurs marocaines. Quant aux soins, la création d’une ligne de produits à base d’huile d’argan et de fleur d’oranger permet aux adeptes de prolonger l’expérience une fois rentrées chez elles.

Pourquoi avoir décidé de vous installer à Paris après vingt ans de succès à Saint-Denis ?

Nous avons réussi le pari de séduire et de fidéliser une clientèle parisienne et VIP, à la fois exigeante et habituée à fréquenter les plus beaux spas du monde. Les faire venir dans cette banlieue difficile était un vrai challenge que je suis fier d’avoir relevé. Le hammam affiche plein tous les jours et la liste des personnalités du show-biz est longue (il est, en effet, le site le plus visité à Saint-Denis, après le stade de France et la basilique, NDLR). La proximité de Paris, une ambiance exceptionnelle et la bonne presse expliquent certainement l’engouement actuel pour notre premier hammam, qui a servi de décor à plusieurs scènes de films, notamment, « La Vérité, si je mens ». Tout cela a encouragé mon fils à s’implanter dans Paris.

Ne craigniezvous pas la concurrence des autres hammams parisiens ?

Il est vrai qu’il existe à Paris une soixantaine de hammams, mais ils n’ont rien à voir avec ce que nous proposons. En écartant tous ceux qui ne correspondent en rien aux critères d’un hammam traditionnel – d’ailleurs, il faudrait penser à créer un label pour les distinguer –, il ne reste que le hammam de la Mosquée de Paris et Les Cent Ciels, si toutefois nous pouvons le considérer comme un hammam traditionnel. Autant dire que la concurrence est quasi absente.

Comment expliquez-vous le nombre très réduit de hammams en France ?

En plus de la compétence et de la passion, l’investissement important que nécessite l’ouverture d’un hammam est un véritable frein à ce genre de projet. A titre d’exemple, nous avons investi 2 millions d’euros dans notre deuxième hammam.

Tous les hammams au Maroc, en Tunisie et en Algérie sont attenants à une boulangerie, car le four à pain permet de les chauffer, ce qui permet de faire des économies considérables. En France, nous chauffons nos deux hammams au gaz de ville… C’est ce qui freine le développement de vrais hammams, alors que les spas connaissent un véritable essor ces dix dernières années.

Quelles sont les caractéristiques d’un hammam traditionnel ?

Des pièces en enfilade, avec des températures de plus en plus chaudes qui favorisent une détente optimale. Pour commencer, une salle tiède qui habitue progressivement la peau à l’humidité et à la chaleur. Une fois que la cliente est préparée, elle est invitée à se plonger dans un bain à remous avant de s’abandonner, dans la salle chaude, à la vapeur brûlante qui libère des effluves d’eucalyptus. Totalement détendu, le corps est fin prêt pour recevoir les différents soins et massages aux huiles essentielles qui sentent bon le miel et la fleur d’oranger. Pour finir, dans la salle de repos, à l’ambiance douce et tamisée, certaines se laisseront aller à la sieste avant de boire un thé à la menthe accompagné de délicieuses pâtisseries orientales.

Pourquoi avoir interdit vos hammams aux hommes ?

A ses débuts, le hammam Pacha Saint-Denis était ouvert à tous, un jour réservé aux femmes et l’autre, aux hommes, mais nous avons rencontré de nombreux problèmes comportementaux et d’hygiène avec notre clientèle masculine.

Quelle différence avec les spas, plutôt à la mode?

Contrairement à un spa où vous êtes seule face à votre praticienne, un hammam est un lieu de vie et d’échange où foisonnent les rires et les histoires drôles. Cette joie se conjugue au pluriel car il n’y a rien de plus triste qu’un hammam vide.

Quel bilan tirez-vous après un an d’exercice du hammam parisien ?

Depuis notre ouverture, nous avons comptabilisé entre 2 000 et 2 500 entrées à Paris, soit 1 000 de moins qu’à Saint-Denis. Un chiffre rassurant et prometteur, mais notre objectif est de dépasser les 3 000 entrées par an.

Quel type de clientèle fréquente vos établissements ?

Contrairement à ce que nous pourrions croire, la clientèle maghrébine ne dépasse pas les 3%, contre 95% de Françaises.

Pourquoi avez-vous ouvert un restaurant ?

Pour la simple raison de pouvoir offrir à nos clientes le loisir de rester toute la journée, si elles le souhaitent, dans notre établissement, sans qu’elles soient contraintes à sortir pour déjeuner. De plus, elles peuvent partager ce moment avec leur conjoint ou leurs amis, puisque le restaurant est ouvert à tous. Notre carte est simple mais bien étudiée. Au menu de notre chef marocaine : tagine de poulet, de viande ou de poisson, sélection de salades et de délicieux desserts maison. Thé à la menthe et vins sélectionnés accompagnent les mets.

Avez-vous des projets pour l’avenir ?

J’avoue que je suis fatigué. Mon objectif premier était de faire découvrir aux Françaises les joies d’aller au hammam. Un objectif que j’ai atteint grâce à mon premier hammam de Saint-Denis. Pour la suite, je fais confiance à mon fils, qui insiste sur la nécessité de se développer. Nous réfléchissons donc à une prochaine implantation à Lyon et/ou à  Bruxelles. Cela dépendra des espaces que nous trouverons. A suivre…

A découvrir sur : www.hammampacha.com.